Le charbon peut-il être moins polluant que la biomasse ?

Source : Flickr/ReneS

Retirer du carbone de l’atmosphère est la solution complémentaire aux mesures d’économie ou de remplacement d’énergie qui, elles, permettent d’éviter d’émettre du carbone. Les technologies actuellement en développement de « carbon capture & storage » tâchent d’empêcher à la source, dès la sortie des cheminées, que du carbone soit émis. Mais rien n’oblige à procéder ainsi car peu importe où le carbone est capturé, du moment qu’il est retiré de l’atmosphère. Nous allons même démontrer ici qu’il peut être plus écologique de brûler du charbon que du bois. Mais avant cela, quelques considérations sur les défauts du système actuellement mis en place pour organiser le « droit de polluer ».

La lutte contre les changements climatiques est encore une grande farce

En effet, seule une minorité de citoyens, de communautés ou de pays prennent des mesures timides ou mal taillées pour tenter de réduire la production de CO2, principal gaz à effet de serre d’origine anthropique. Souvent, ces mesures sont homéopathiques. On peut même se demander si certaines n’ont pas été instituées pour créer une monnaie d’échange politique qui enrichit in fine certaines grosses industries.
Quand l’Europe s’égare
Par exemple, le marché des quotas européens consiste à distribuer des droits d’émettre du CO2 aux industries les plus polluantes dans le but de les inciter à réduire leurs émissions. Quand elles y parviennent au delà de leurs objectifs, elles empochent la valeur des certificats non utilisés.
Ainsi, ArcelorMittal, en fermant des hauts fourneaux pourtant moins polluants et moins rentables que leurs homologues indiens, a engrangé 774 millions d’euros entre 2008 et 2011. Durant la même période, le propriétaire d’une installation photovoltaïque en Wallonie percevait en quinze ans plus de 6.800 € pour éviter la production d’environ 10 tonnes de COsur 25 ans. Un subside de 680 € par tonne de CO2 alors que, dans le même temps, les programmes de soutien aux mécanismes de développement propre (MDP) en Afrique n’accordaient que 8 $ par tonne de CO2 économisée, soit cent fois moins. Comment de telles dérives sont-elles possibles ?
La raison en est souvent que les politiques sont décidées par des politiciens, c’est-à-dire à court terme, selon l’échéance de leur mandat. Dans le cas du photovoltaïque, l’Europe a pensé naïvement pouvoir développer une filière industrielle puissante en la subsidiant. Cette logique s’est érodée dès 2008 quand le cartel européen des fabricants a été disloqué au profit de la Chine d’où proviennent aujourd’hui la majorité des panneaux photovoltaïques.
La fin du CO2 justifie les moyens
Si les changements climatiques sont bien l’enjeu majeur que décrivent les scientifiques du groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC), enjeu auquel adhère la grande majorité des citoyens du monde, il convient de mettre en place, sans délai, une politique visant à réduire drastiquement, voire stopper l’augmentation du taux de CO2 dans l’atmosphère. Il faudrait instaurer une écotaxe universelle sur la production de CO2 dont les revenus serviraient à financer sa réduction et son stockage. Et qu’on ne me parle pas d’exemption d’une partie de la planète sous prétexte de way of live ou de responsabilité historique. Tant que ce mécanisme ne sera pas adopté globalement, les efforts des uns seront vains et renforceront indûment la compétitivité de ceux qui se soustraient à la taxe.
Utopique ? Impossible ? Alors qu’on arrête de nous bassiner avec ce qui produit du CO2 ou autre gaz à effet de serre et que chacun continue à assassiner la biosphère à petit feu dans un monde où seule une minorité s’en sortira.
Quelle est la méthode la moins coûteuse pour éliminer une tonne de CO2 ?
En 2008, dans mon ouvrage : « 9 milliards, le futur maintenant », j’ai décrit la méthode, à ma connaissance la moins chère, pour éliminer une tonne de CO2 pendant au moins 2 ou 3 siècles. Elle consiste à enterrer du bois sous forme de bûches sèches traitées pour éviter la putréfaction c’est-à-dire exactement l’opération inverse de la consommation d’énergie fossile. Une tonne de bois contient une demi-tonne de carbone soit l’équivalent de 1,8 tonne de CO2.
Si cette biomasse est produite dans des plantations de bois énergie à 25 € par tonne, transportée sur une faible distance et enterrée à quelques mètres de profondeur, le coût peut avoisiner les 60 € par tonne de carbone stockée ce qui est nettement plus compétitif que toutes les techniques actuellement proposées de carbon capture & storage (CCS), estimées entre 110 € et 200 € par tonne de carbone stockée.
On peut imaginer un marché mondial où les gouvernements attribuent un certificat carbone (CC) pour chaque tonne de carbone stockée. Il pourrait être revendu aux producteurs de CO2 via les États pour éviter les fraudes autant que possible, car la plupart des hommes sont encore plus cupides que stupides.
Les États devraient mettre en place une taxe de 100 € par tonne de carbone relâchée sous forme de CO2 que son producteur paierait à défaut de pouvoir restituer un certificat. Ces sommes permettraient le financement d’économies d’énergie fossile ou de production d’énergies renouvelables plus compétitives que leurs homologues fossiles.
Durant une longue période, il est vraisemblable que le prix du certificat restera juste un peu inférieur à 100 € ce qui incitera d’autant plus à investir dans le stockage de carbone.
Par la suite, au fur et à mesure que les techniques de stockage seront plus compétitives, la valeur du certificat diminuera mais restera toujours plus élevée que le prix des techniques les plus compétitives.
Ce stockage de bois pourrait donc neutraliser, par exemple, la production d’une centrale au charbon. Mais, direz-vous, n’est-ce pas moins cher de produire directement l’électricité avec le bois, ce qui est neutre en CO2, plutôt que de stocker du bois pour compenser le CO2 produit par la combustion du charbon ?
Comme souvent en développement durable, la réponse est : parfois oui, parfois non.
Prix du MWh électrique produit dans une centrale au charbon soumise à l’écotaxe carbone
Supposons que le MWh de charbon coûte 8 €. Comme il faut 3 MWh de charbon pour produire 1 MWh d’électricité et une poignée d’euros pour tout le reste (amortissement de la centrale, frais opérationnels, maintenance, etc.), le coût du MWh électrique est d’environ 30 € et 250 kg de carbone. Avec une écotaxe de 100 € par tonne, le prix de revient de l’électricité est de 55 €/MWh. Pas de quoi asphyxier les gros consommateurs même s’ils se plaindront que le prix bondit de plus de 80 %.
Prix du MWh d’une centrale au bois
En zone tropicale, le MWh de bois provenant de plantations vaut environ 6 €. En théorie, il est moins cher que le charbon. Le prix de revient devrait être inférieur à 30 €/MWh.
En toute logique, c’est le bois énergie qui devrait rapidement s’imposer face au charbon pour produire de l’électricité puisque le combustible est moins cher et qu’on ne doit pas payer d’écotaxe.
Par contre en Europe, il faut importer le bois préalablement transformé en pellets qui coûte aujourd’hui 23 €/MWh. Avec 3 MWh d’énergie primaire, le prix de revient de l’électricité est de 75 €/MWh, impayable par rapport au charbon pourtant pénalisé par l’écotaxe. C’est la transformation en pellets suivie du transport intercontinental qui fait exploser le coût. Or, le but est produire l’électricité pas chère avec un bilan neutre en CO2.
Économiquement, écologiquement et paradoxalement, il vaut donc mieux produire de l’électricité en Europe avec du charbon en neutralisant le bilan carbone par le stockage d’une quantité équivalente dans les tropiques plutôt que de transporter la biomasse.
Y-a-t-il assez de sol sur la planète pour capter de la sorte tout le CO2 produit ?
Excellente question. En supposant qu’un hectare tropical peut capter, dans la croissance de ses arbres, 6 tonnes de carbone par an, il faudrait y consacrer plus d’un milliard d’hectares sur les 15 milliards d’hectares de terres émergées que compte la planète. C’est énorme mais pas infaisable. C’est aussi ce que nous devrions stocker aujourd’hui mais également demain. Car même avec le développement progressif de l’efficience énergétique et des énergies renouvelables, le stockage de carbone permettrait de diminuer le taux de CO2 pour revenir à l’équilibre que nous connaissions au XXe siècle.
Quant à la quantité de sol nécessaire au stockage, elle est faible par rapport à celle affectée aux plantations. En comptant un mètre cube de bois pour 300 kg de carbone, on peut facilement stocker cinq mille années de production d’un hectare – 100.000 m3 – sur un hectare. Une couche de 10 mètres d’épaisseur y suffit. L’espace de stockage est donc faible par rapport à l’espace de production : 5 % des surfaces cultivées par siècle.
Et pourquoi ne pas capturer le CO2 en zone septentrionale ?
Pour une question de coût et de manque de ressources. Mais effectivement quel est ce coût ? Sous nos latitudes, la bûche ou la plaquette forestière vaut environ 20 €/MWh soit 100 €/tonne. Le prix de revient dépasserait 200 € par tonne de carbone stocké, trois fois plus qu’en zone tropicale. L’Europe est un continent pauvre en soleil ce qui limite la vigueur de la captation de carbone. De plus, l’Europe ne dispose pas de suffisamment de terres pour les consacrer à la culture de bois énergie et à son enfouissement.
Et pourquoi ne pas stocker ce carbone dans des meubles ou des immeubles ?
L’idée est séduisante mais il faut s’assurer que le carbone sera stocké pour au moins deux siècles. Comment garantir ce résultat avec des meubles produits en zone tropicale ou des maisons ? Il est vraisemblable qu’après quelques décennies, le bois sera brûlé ou mangé par les termites. De plus, en supposant qu’un logement en bois meublé stocke 12 tonnes de bois, 6 tonnes de carbone, il faudrait construire un milliard de logements chaque année soit un renouvellement annuel du parc immobilier mondial. Manifestement, cette offre serait tout à fait surabondante et complètement irréaliste.
On peut bien entendu saluer l’écologiste qui stocke provisoirement 6 tonnes de carbone dans sa maison en bois. Il recevra 6 certificats carbone (CC) de prime soit moins de 600 €. Peu incitatif.
Conclusions
La lutte contre les changements climatiques est un problème universel. L’humanité ne parviendra à s’en défaire qu’en agissant au niveau global en tenant compte des avantages compétitifs des différents climats. Devant un tel enjeu, il convient de choisir les voies les plus économiques. L’objectif n’est pas de saisir cette lutte comme prétexte à d’autres enjeux, souvent inavouables ou farfelus.
L’avenir de l’humanité le vaut bien.
Laurent Minguet

1 commentaire Laissez le votre

  1. le 31 mai 2013 à 12:13

    L . a . lutte contre les changements climatiques est united nations problème universel. L’humanité ne parviendra � s’en défaire qu’en agissant au niveau world-wide durante renter compte des avantages compétitifs des différents climats. Devant united nations tel enjeu, il convient de choisir les voies les plus économiques. L’objectif n’est pas de saisir cette lutte comme prétexte � d’autres enjeux, souvent inavouables ou farfelus.
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