La guerre de l’eau n’aura pas lieu

Le triomphe du photovoltaïque (3/3)

Grâce aux technologies renouvelables, la guerre de l’eau n’aura pas lieu. Qui aurait intérêt à faire la guerre pour une commodité dont le prix ne cessera de descendre et dont la disponibilité est infinie?

Le prix des panneaux solaires thermiques (PST) et photovoltaïques (PV) permet de calculer le prix de production d’eau potable à partir d’eau de mer ou d’eau d’égout. Le PV génère l’électricité nécessaire pour activer des pompes de la technologie de production dite «par osmose inverse», alors que le PST permet la distillation de l’eau de mer ou d’égout.

Les deux technologies sont moins coûteuses au départ d’eau d’égout que d’eau de mer mais des raisons psychologiques contraignent les collectivités à préférer la mise en œuvre de désalinisation d’eau de mer.

Celle-ci coûte aujourd’hui 0,5 €/m³ plus deux kWh électriques. Or, une installation industrielle de PV peut, sans problème, être réalisée à moins de 2 €/Wc.

Dans un pays ensoleillé comme le Maroc, le prix du kWh photovoltaïque actualisé à 5% est de 7,5 €c. Le coût de l’électricité PV nécessaire à la production d’un m³ d’eau potable est donc de 0,15 € pour un prix total de 0,65 €/m³.

A titre de comparaison, nous payons notre eau potable près de 4€/m³ en Région wallonne où l’eau est plus abondante qu’en Méditerranée. Soit six fois plus cher.

Nous pouvons donc affirmer que, grâce aux technologies renouvelables, la guerre de l’eau n’aura pas lieu. Qui aurait intérêt à faire la guerre pour une commodité dont le prix ne cessera de descendre et dont la disponibilité est infinie?

En effet, contrairement au pétrole, nous ne consommons évidemment pas l’eau qui est restituée intégralement, certes souillée, au cycle de l’eau duquel elle a été prélevée.

Pour la Wallonie, il est naïf de fantasmer sur l’«or bleu» qu’ils vendront cher en Flandre dénuée de sources potables. Les Flamands possèdent déjà des stations de désalinisation en mer du Nord dont la compétitivité fixe à la baisse le prix qu’ils pourraient payer pour l’eau wallonne.

N’en déplaise à Ricardo Petrella qui fait de la pénurie de l’eau son fonds de commerce de conférences et de débats, l’eau ne sera pas un problème de pénurie mais de développement.

Laurent Minguet

3 Commentaires Laissez le votre

  1. le 30 avril 2011 à 10:24

    Tout à fait d’accord en ce qui concerne la production d’eau potable. Mais la « guerre de l’eau » concerne également l’eau d’irrigation.

    Si le coût de production avancé peut paraître très abordable pour de l’eau potable, il serait prohibitif pour l’eau à usage agricole (irrigation et élevage). N’oublions pas non plus que tous les pays de la planète n’ont pas accès à la mer. Si l’on se limite à l’Afrique (où se concentrent les terres agricoles les plus convoitées par les pays déficitaires en terres arables), des pays tels que le Mali, le Niger ou le Tchad n’ont aucun accès à la mer… Ce sont pourtant dans ces pays que des investisseurs étrangers (étatiques ou privés) ont le plus investi dans les terres agricoles ces dernières années. Oui, la guerre de l’eau aura bien lieu ! La construction de multiples barrages dans les pays cités le prouve: barrages dans le delta intérieur du Niger, barrage de Kandadji, etc. Et la disparition du lac Tchad est une source de conflit qui n’est pas qu’un fond de commerce pour Ricardo Petrella.

    Bien cordialement.

  2. le 30 avril 2011 à 15:03

    cher Monsieur Istace,

    nous sommes donc bien d’accord que la problématique de l’eau ne se pose que pour l’agriculture en zones arides.

    C’est vrai que si l’eau ne coute que 0,65€/m³ et qu’on en consomme 500 m³ par tonne de blé, c’est plus que le prix du blé.

    On peut aussi se poser la question de produire du blé dans une zone où il n’y a pas assez d’eau.
    Pourquoi ne pas plutot produire de l’énergie renouvelable ? ou peut-être rien du tout si l’environnement et le climat ne s’y prêtent pas ?

    Les barrages sont probablement une bonne technique pour retenir la pluie et ajuter son usage en fonction des besoins agricoles.

    Ils apportent aussi quelques nuisances à introduire dans la balance d’intérêt pour voir de quel côté elle penche.

    Je constate qu’au Maroc, la multiplication des barrages permet de résoudre à la fois les problèmes récurrents de sécheresse et d’énergie pour une population qui a été multipliée par 4 en 50 ans.

    bien à vous

  3. le 30 avril 2011 à 16:57

    Cher Monsieur Minguet,

    Il me semble également légitime de se poser la question de l’utilité de produire du blé ou du riz dans des zones arides. L’une des réponses étant que la population mondiale est en constante augmentation et que bon nombre de pays s’inquiètent pour leur approvisionnement alimentaire futur. La Chine (qu’il est tellement facile de critiquer…) représente actuellement 20 % de la population mondiale, mais à peine 10 % des terres arables. Les pays du Golfe, la Syrie, la Libye (et la liste n’est pas limitative) ont compris qu’il serait de plus en plus aléatoire de compter uniquement sur les marchés régionaux ou mondiaux pour nourrir leur population. D’un autre côté, la plupart des pays d’Afrique tropicale ont des terres disponibles mais manquent de moyens pour les valoriser. Tant qu’il sera rentable de cultiver du blé ou du riz dans des pays ou l’eau est relativement accessible, ces terres seront convoitées et cultivées. L’eau n’est cependant pas un facteur aussi limitant qu’il n’y parait. Le Mali n’est pas réputé pour être un pays particulièrement arrosé et pourtant, l’Office du Niger a connu des résultats remarquables grâce à des aménagements bien conçus. La vraie question n’est donc plus tout à fait de savoir s’il est utile de produire dans des zones arides, mais de savoir qui sera prêt à y investir et relever le défi. Il me semble tout aussi légitime que judicieux de produire des denrées agricoles dans des pays tels que le Mali, le Niger ou le Tchad. La solution aux problèmes d’irrigation est généralement plus qualitative que quantitative.

    Consacrer des zones agricoles (ou potentiellement agricoles) à la production d’énergies (via des biocarburants, des panneaux photovoltaïques ou autres) ne fera que faire retomber ces pays dans la fausse bonne solution adoptée dans la seconde moitié du XXe siècle : spécialiser leur agriculture dans une ou deux cultures exportables de manière à obtenir des capitaux destinés à acheter de la nourriture sur les marchés mondiaux. Est-il économiquement judicieux qu’un pays tel que l’Ethiopie (largement dépendant de l’aide alimentaire mondiale. A ma connaissance, le seule pays du monde ayant un « Ministère de la famine »…), loue ses terres à des investisseurs indiens ou saoudiens plutôt que d’y investir lui-même ? Tous les pays africains cités ci-dessus ont libéralisé leur économie et tous les investisseurs étrangers ont le droit d’y investir (et heureusement pour ces pays). Mais n’oublions pas que c’est encore l’agriculture familiale qui nourrit ces pays et non les « cultures » d’énergie renouvelable.

    En ce qui concerne, les barrages, nous sommes d’accord, un barrage bien pensé permet de résoudre plus de problèmes qu’il n’en crée. Malheureusement, ils ne seront jamais une solution miracle généralisable à tous les systèmes agricoles. Le Maroc est probablement un bon exemple (je vous crois sur parole, n’y ayant jamais mis les pieds). Mais la Basse-Casamance est un remarquable (et malheureux) contre-exemple de l’efficacité des barrages. Construire un barrage sans élaborer d’aménagement global, sans financer les entretiens à long terme et en minimisant l’importance de son appropriation par les populations a toujours abouti à des échecs, même si les aspects techniques étaient bien conçus. Bref, je ne vous apprendrai rien en soulignant que les problèmes inhérents à la construction d’un barrage ne se limitent pas au dimensionnement d’un gros bassin.

    Je suis optimiste de nature et je ne me complais pas dans les discours apocalyptiques de M. Petrella, mais j’ai tout de même du mal à imaginer que la « guerre de l’eau » n’aura pas lieu. Les exemples actuels abondent et les changements climatiques n’arrangeront très probablement pas ces problèmes. Même dans des régions aussi arrosées que la Casamance, on se bat déjà pour l’accès à l’eau douce. L’eau sera un problème de pénurie ET de développement.

    Bien à vous.

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