Du bon usage des pellets en Région wallonne


Pourquoi s’évertuer à brûler des pellets pour produire de l’électricité alors qu’ils permettraient d’économiser 100 millions d’euros et 325.000 tonnes de CO2 chaque année en produisant de la chaleur?

Avec la flambée des prix pétroliers, le pellet – granulé de sciure de bois compactée – est appelé à jouer un rôle majeur en tant que vecteur de chaleur dans un monde en quête d’énergie renouvelable. En effet, le bois est une énergie renouvelable dérivée du soleil : la photosynthèse chlorophyllienne transforme le CO2 de l’air en oxygène et en carbone qui est stocké dans des molécules de cellulose et de lignine.

Le bois contient 50% de carbone. Son pouvoir calorifique (4,7 kWh/kg) est moindre que celui du pétrole (11,6 kWh/kg) ou du charbon (8 kWh/kg) mais son bilan CO2 est neutre puisque sa combustion restitue le CO2 capturé quelques années auparavant lors de la croissance de l’arbre.

Contrairement aux énergies éolienne et photovoltaïque, la biomasse capte mais surtout stocke l’énergie. Les pellets constituent un combustible assez «fluide» pour être manipulé et transporté facilement.

La Région wallonne en produit aujourd’hui 320.000 tonnes, soit 130.000 tep (tonne équivalent pétrole) à comparer aux 5,8 millions de tonnes de pétrole et aux 4 millions de tep de gaz qu’on y importe et brûle, chaque année.

Produire de l’électricité avec du bois

Il est donc nécessaire d’importer du pellet notamment pour alimenter la centrale électrique des Awirs, près de Liège, qui en brûle environ 400.000 tonnes par an pour produire 620 GWh (620 millions de kWh) d’électricité renouvelable.

La centrale des Awirs fonctionnait autrefois au charbon, mais un investissement de 6,5 millions d’euros à suffit à l’adapter au pellet. Un placement extrêmement rentable pour Electrabel: pour sa production «verte» aux Awirs, la filiale de GDF Suez reçoit annuellement 430.000 certificats verts qu’elle revend aux fournisseurs de courant (tenus de respecter des quotas d’électricité «verte») pour environ 36 millions d’euros par an pendant 15 ans – soit plus d’un demi milliard au total.

Les fournisseurs répercutent bien sûr intégralement ce coût sur la facture qu’ils adressent à leurs clients (particuliers, entreprises, collectivités).

Pour produire la même quantité d’électricité qu’aux Awirs dans une centrale turbine-gaz-vapeur (TGV), il faudrait environ 95.000 tep de gaz dont la combustion produirait 275.000 tonnes de CO2. C’est donc l’économie de CO2 que les pellets brûlés aux Awirs permettent de réaliser.

Un meilleur usage environnemental et économique des pellets est possible

En Région wallonne, des centaines de milliers de chaudières brûlent plus de 1,6 millions tep de mazout produisant près de 5 millions de tonnes de CO2.

Imaginons d’en remplacer une partie par des chaudières à pellets. Si celles-ci brûlaient les 400.000 tonnes de pellet actuellement utilisées aux Awirs, cela permettrait d’éviter l’importation de 200.000 tonnes de pétrole et la production de 600.000 tonnes de CO2.

D’un point de vue environnemental, on économiserait donc 600.000 tonnes de CO2 contre 275.000 tonnes en brûlant ces pellets aux Awirs plutôt que du gaz dans une centrale TGV. Bref, utiliser ces pellets pour produire de la chaleur plutôt que de l’électricité générerait une économie nette de 325.000 tonnes de CO2.

D’un point de vue macroéconomique, l’importation de pellet (23 €/MWh) à la place de gaz (10 €/MWh) coûte 31 millions d’euros de plus sur la balance commerciale pour produire l’électricité. Par contre, l’importation de pellet à la place de pétrole (56 €/MWh) coûterait 69 millions d’euros de moins sur la balance commerciale pour produire de la chaleur.

Donc, en brûlant du pellet pour produire de la chaleur plutôt que de l’électricité aux Awirs, la balance commerciale réaliserait un boni de 100 millions d’euros. De quoi créer des milliers d’emplois.

Pourquoi cette gabegie?

En 2003, avec les certificats verts, la Région wallonne a mis en place un mécanisme de financement favorisant la production d’électricité verte mais a curieusement ignoré la chaleur renouvelable.

Ce sont les grands producteurs étrangers comme Electrabel (GDF Suez) et la SPE (EDF) qui sont les principaux bénéficiaires de ce mécanisme, qu’EDORA (fédération des producteurs d’énergie d’origine renouvelable et alternative) défend avec âpreté.

Pourtant, la directive européenne «énergie-climat» de 2008 met sur un pied d’égalité le kWh d’énergie renouvelable électrique et thermique. Si les pellets des Awirs produisaient de la chaleur plutôt que de l’électricité, non seulement la Région wallonne réaliserait un boni annuel de 100 millions d’euros sur sa balance commerciale, mais elle émettrait 325.000 tonnes de CO2 de moins et produirait 1,26 TWh d’énergie renouvelable en plus des 9 TWh actuellement produits.

Le certificat vert à 65€ pour corriger cette aberration

La rentabilité des Awirs ne tient donc qu’au soutien que la Région wallonne lui octroie sous forme de certificats verts. Il faut supprimer cette aide qui nuit à l’intérêt général et la remplacer par un soutien à l’investissement dans des chaudières à pellet pour les habitations qui n’ont pas accès au gaz.

Cette mesure bénéficierait directement à plus de 400.000 logements et collectivités en leur permettant de se chauffer à moitié prix qu’au mazout.

Pour rectifier le tir, il suffirait que le prix du certificat vert soit fixé à 65€. En effet, le prix de revient du MWh des Awirs augmenterait de 10€ et ne serait plus compétitif par rapport au prix de revient d’une centrale TGV ou d’une centrale nucléaire (amortie).

Fixer le certificat vert (CV) à 65€ permettrait de diminuer d’un milliard d’euros le coût des CV payé par les consommateurs aux producteurs. En effet, il reste plus de 40 millions de CV à octroyer pour les installations actuelles. Or le CV est facturé à plus de 90€, soit 25€ de trop.

Contrairement à ce qu’affirme EDORA, on pourrait alors réaliser davantage d’investissements dans les énergies renouvelables dont le bénéfice économique n’aboutirait plus, principalement, dans les poches de sociétés étrangères mais profiterait directement à tous les consommateurs wallons qui investiront dans les énergies renouvelables et les économies d’énergie.

Laurent Minguet
Membre de l’Académie Royale de Belgique, classe «technologies et société»

4 Commentaires Laissez le votre

  1. le 31 mai 2011 à 10:28

    Anonymous #

    Quelques erreurs de chiffres dans cet article ciblé…que reste-t-il des arguments si on démonte les chiffres ?? du vent ?

  2. le 17 juin 2011 à 11:48

    Avec la combustion du bois ou des pellets on rate aussi une belle occasion de re-minéraliser le C atmosphérique issu du fossile. Avant la combustion complète du bois, se dégagent d’abord des composés volatils inflammables jusqu’à ne laisser que du carbone sous forme de braises de charbon de bois. Si on arrête la combustion à cette étape on a réussi à re-minéraliser le C capté dans l’air par photosynthèse et diminué le CO2 atmosphérique.
    Le charbon de bois ainsi obtenu et retiré du circuit du carbone par enfouissement devrait bien mériter des certificats verts…
    Mais comme cette méthode est trop simple et ne demande pas de gros prêts pour investissements, elle ne sera pas adoptée.

  3. le 15 novembre 2011 à 15:51

    AlaMaes #

    Quelques chiffres sont effectivement peu réalistes (le MWh de gaz à 10 € en moyenne annuelle ?… on n’est pas encore aux prix US. Une fourchette 25-30 €/MWh serait plus réaliste, sans rien enlever au discours.

    Il est un fait que les Awirs ne sont pas loin d’être une escrocrerie sur le dos des consommateurs.

    Un article pour alimenter le débat sur le bois énergie : http://ecologie.blog.lemonde.fr/2011/11/04/l%E2%80%99energie-tiree-des-forets-pollue-plus-que-le-charbon/

  4. le 26 novembre 2011 à 11:16

    cher Monsieur AlaMaes,

    merci pour votre commentaire même si je forme des voeux pour que chacun se désigne par son nom.

    c’est vrai que le transport du gaz comme celui du bois à un coût élevé par rapport à celui du pétrole.
    Le prix du gaz est en outre soumis à l’offre et la demande. Il est très volatil.

    En 2009, le prix year-ahead de Zeebruge a varié entre 12€ et 22€/MWh alors que le prix FOB évoluait entre 8 € et 12€/MWh.

    Effectivement, si le prix payé par MWh de gaz est de 28 €/MWh – prix retenu dans le dernier article : »la sortie du nucléaire pour les nuls »- le fondement de l’article ne change pas. La Wallonie perd de l’argent en brûlant des pellets aux Awirs plutôt que du gaz dans une TGV alors qu’elle en gagnerait à les brûler pour se chauffer plutôt que de brûler du pétrole.

    D’autre part, Greenpeace a raison de dénoncer le caractère quasi minier de l’exploitation de forêts boréales.

    La croissance annuelle de biomasse y est de l’ordre de 2t/ha alors qu’elle atteint 20 t en zone tropicale.

    Si on coupe 100 t sur un ha canadien pour le brûler, il faudra au moins 50 ans pour réabsorber le CO2 brusquement relâché.

    A l’inverse, dans une plantation de bois énergie tropicale, on plante des arbres puis on capte le CO2 pendant 5 ans avant de le relâcher quand on valorise le bois énergie. Le processus est donc constamment neutre sur le taux de CO2.

    Méfiez-vous des amalgames qui vous font croire que toutes les bonnes anglaises sont rousses.

    bien à vous

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